Le Lean Absurd

A tous ceux qui pensent que le Lean est Has Been

 

absurde passage-pieton

 

… vous ne connaissiez pas le Lean Absurd ?!

face-grin

 

Bande de ringards !

 

 

 

C’est tout nouveau, ça vient d’sortir !

 

Au départ, il y eut le Lean Manufacturing.

Puis vint le Lean Management. Bientôt apparu le Lean Accounting, puis le Lean development et le Lean IT et le Lean Healthcare et Lean Banking et le Lean Insurance …

 

… et enfin le petit dernier : Le Lean Absurd !

 

Je viens de l’inventer.

 

Nota : Vous remarquerez qu’a chaque fois le terme est “anglicisé”. C’est normal, cela a plus de gueule, ça fait pro et sérieux, … pas franchouillard. N’est pas consultant-qui-se-la-pète qui veut ! 😛

Nota 2 : En exclusivité mondiale, pour tous les abonnés de ce blog, vous pourrez bientôt lire un article sur un nouveau type de Lean, le Lean Connerie (zut ça va être dur dur pour “l’angliciser”).

 

Allez, j’arrête là mon délire et reviens au sujet de l’article…

 

Le Lean Absurde, what is it ?

 

 

Ce que je nomme le Lean Absurde n’est, ni plus ni moins qu’un …Indiscrimination

 

… banal manque de discernement !

 

Ce manque de discernement, je l’observe tous les jours sur le terrain.

Il est souvent dû au fait que notre quotidien “engourdit” notre capacité à prendre du recul et à nous étonner. Cela nous conduit souvent à “trouver normal ce qui ne l’est pas”, … car on s’habitue inconsciemment “à la misère”.

D’où l’intérêt du regard neuf, … d’où l’intérêt d’écouter les intérimaires qui arrivent dans vos boîtes !!!

 

Toutefois, il m’arrive de rencontrer un manque de discernement dont la source (je n’ai pas dit la cause) est le voyage Lean.

 

Deux exemples de terrain

 

Le produit fini … pas fini :

Je suis intervenu il y a quelques années au sein d’une entreprise qui fabriquait des produits comportant un système d’ouverture électromécanique. L’opération d’assemblage du produit, en elle-même, n’était pas très complexe, mais faisait appel à un grand nombre de petits composants (vis, écrous, axes, goupilles, clavettes, etc.).

Or, il arrivait fréquemment que les clients se plaignent de l’absence tel ou tel composant (parfois une simple petite vis). Outre une image déplorable pour l’entreprise, dans certains cas il fallait reprendre le produit, car il risquait de ne pas fonctionner de façon optimale.

L’entreprise faisait face à un big problème qualité.

 

Le premier réflexe du service Qualité (bien formaté ISO 9000) a été de proposer de mettre une personne en fin de process pour contrôler un à un tous les produits fabriqués.

 

He bien vous ne devinerez jamais quelle fut la réponse des managers de l’atelier. En cœur, ils ont répondu :

Ça va pas non ?!

Éric nous dit que le contrôle c’est du Muda (gaspillage) puisqu’il n’apporte pas de valeur ajoutée et vous, vous voulez qu’on dédie un de nos gars à vérifier tous les produits un par un ? Là, vous rêvez !

D’abord cela va augmenter le prix de revient unitaire … et puis, vous êtes bien gentil, mais on le trouve où, nous, le gars à mettre en bout de ligne ?”

 

Les écarts de stocks :

Très récemment, un responsable financier me dit :

“Éric, j’ai décidé de faire un A3 de résolution de problème. Nous avons un vrai souci avec les écarts de stocks sur le site A alors que sur le site B, les stocks sont justes.”

Je lui demande alors s’il a questionné le responsable du site B pour savoir comment il gérait son stock au quotidien. Il me répond :

“Oui bien sûr ! Chez eux, ils font des inventaires tournants tous les jours. Mais tu nous as dit que faire des inventaires c’était du Muda !

 

Vous voyez où je veux en venir, n’est-ce pas ? 😉

 

Poussons l’absurde jusqu’au bout

 

Oui, vous l’aurez compris, je suis friand de ce genre de situation et surtout … j’adore la provocation !

Maison en feu

 

C’est l’été et, cette année, c’est une période de sécheresse. D’ailleurs, le préfet a pris un arrêté pour économiser l’eau…

Mince, votre maison prend feu !

Vous la regardez bruler car on vous a dit qu’il ne fallait pas gaspiller d’eau …

 

Mais bien sûr !

 

Depassement dangereux

 

Vous êtes sur une nationale, vous roulez à 90 km/h et décidez de doubler le véhicule qui vous précède. Oui mais voilà, il roule déjà à 88 km/h et vous êtes surpris par le temps qu’il faut pour le dépasser.

Or une voiture arrive en face alors que vous êtes “cote-à-cote”.

Vous n’accélérez pas et risquez l’accident, car le Code de la route stipule que la vitesse autorisée sur nationale ne doit pas excéder 90 km/h …

 

Mais bien sûr !

 

Nota : Ne rigolez pas, … si vous voyiez le nombre de conducteurs “du dimanche” qui mettent des plombes à doubler sur autoroute uniquement pour ne pas dépasser le 130 ! Ou pire, ceux qui doublent des camions en roulant à 110 km/h, alors qu’il leur suffirait d’accélérer un poil pour ne gêner personne…

 

Passons à l’offensive !

 

Emprunter la route sinueuse du Lean ne dispense ni de réfléchir, ni de faire preuve de bon sens.

 

Livrer des produits incomplets à ces clients n’est pas acceptable.

Certes une personne dédiée à la vérification des produits est un surcoût pour l’entreprise, mais devoir retoucher des pièces renvoyées par les clients est bien plus couteux (sans parler de l’image catastrophique que donne l’entreprise). Et au final, perdre ses clients pour des motifs de non-qualité n’est-il pas le pire des coûts ?! C’est même celui qui vous mène directement à la fermeture de l’entreprise

 

Garder des écarts de stocks importants, n’est pas non plus tolérable pour un bon fonctionnement de l’entreprise.

Alors que vaut-il mieux ? Avoir des stocks justes et pouvoir livrer vos clients à l’heure, quitte à perdre un peu de temps tous les jours pour faire des inventaires tournants, ou faire des économies de “bout de chandelle” et voir son taux de service s’effondrer ?

 

Mesures Conservatoires

 

Oui, j’assume et continue de soutenir que le contrôle qualité effectué par le service qualité ou en bout de ligne est du Muda. Il peut-être nécessaire, dans certain cas il peut même être réclamé et payé par le client. La limite est parfois floue entre valeur ajoutée et Muda. Nous ne sommes pas tous d’accord dans la communauté Lean pour dire que le contrôle qualité (tel que décrit ci-dessus) est du Muda … Peu importe.

Oui, je maintiens aussi que faire un inventaire est du Muda, dans la mesure où cela ne crée aucune richesse. Nous ne faisons des inventaires que pour compenser les failles de nos processus qui génèrent des écarts de stock.

Si les processus étaient 100 % fiables et robustes, nos stocks seraient et resteraient justes. Dès lors, plus besoin de les recompter (ok c’est un idéal, pas une réalité, mais l’idéal ne montre-t-il pas la direction ?).

 

Mais là, …

 

il y a le feu !!!

 

Et quand il y a le feu, on fait tout pour l’éteindre afin qu’il ne se propage pas davantage. Même si, pour cela, on doit dans un premier temps faire du Muda.

Ce sont les mesures conservatoires. Je traduirais le terme par “des mesures qui permettent au système de conserver son état de fonctionnement normal”.

 

C’est faire preuve de discernement que de mettre en œuvre des mesures qui protègent les clients, et ce, même en dégradant momentanément la performance globale du flux concerné.

 

Les Toyota eux-mêmes ne disent-ils pas : “Si pour livrer vos clients, vous avez besoin de faire du stock, alors faites du stock. Si vous n’avez plus de clients, vous n’aurez plus d’entreprise. En revanche, ne vous contentez pas de cet état de fait et travaillez sur vos stocks pour les faire baisser.”

 

La cause profonde de ce manque de discernement

 

En fait, elle est assez simple.

Lorsqu’on parle de protéger son client de la non-qualité, si on se crispe en pointant ce que cela va coûter, …
c’est inévitablement que l’on pense d’abord à soi avant de penser à son client.

Je ne condamne personne, c’est normal, c’est humain, je suis le premier à le faire (mais je me soigne).

Mais on ne devient Lean qu’en faisant entrer ses clients dans la tête des hommes qui composent l’entreprise.

C’est ce qui nous rend plus performant … et les clients savent bien faire la différence.

Ils deviennent plus fidèles.

 

Ce qu’il faut retenir

 

On ne devient pas plus performant en diminuant les coûts (Cost Killing).

On devient plus performant :

 

1. En pensant à ses clients, en se mettant à leur place, en leur facilitant la vie.

 

2. En améliorant la sécurité et les conditions de travail dans l’entreprise. On récolte ainsi davantage de motivation et d’implication du personnel.

 

3. En améliorant son niveau de qualité intrinsèque
(la qualité pendant la production, pas la qualité du contrôle).

 

4. En réduisant ses délais.

 

Et les coûts, me direz-vous ? Eh bien, si vous faites progresser les 4 points ci-dessus, vos coûts “suivront” !

 

L’amélioration des coûts est la conséquence
d’une meilleure performance, pas la cause !

 

 

 

Et vous, avez-vous déjà été confronté au “Lean Absurd” ?

 

 

 

 

3 Commentaires

  1. Bonjour Eric, et encore merci pour cet article.

    Un des côtés les plus absurdes que j’ai pu rencontrer venait d’une de mes précédentes Directions qui voulait absolument améliorer l’organisation de son atelier afin de mieux répondre aux demandes de ses clients.

    Les objectifs étaient clairs : initier une réflexion collective du personnel et de son encadrement de production afin d’améliorer l’efficacité de notre processus … et pourtant, rien n’était simple.

    Pour initier cette réflexion, nous avions besoin de :
    – salariés disponibles : mais comment les rendre disponibles lorsqu’ils passent leurs journée à produire (produit neuf ou SAV) et que ceux-ci ne souhaitent pas faire d’heures supplémentaires ;
    – encadrement motivé : ceux-ci n’arrivant pas à libérer ses équipes car « ils ont du travail à faire » et que ce travail ne peut pas attendre ;
    – Direction qui soutient : mais qui « est prête à libérer du temps » si la production lui montre qu’elle peut s’améliorer …

    Un peu comme l’image du serpent qui se mort la queue : « si vous voulez plus de temps, gagnez-en avant ».

    Une vraie dynamique absurde s’est alors installée et cette dynamique absurde a mené à l’immobilisme : moins de chiffre d’affaire -> moins de marge -> besoin de moins dépenser -> moins de salariés -> moins de forces vives -> encore moins de temps pour produire -> etc …

    J’ai alors choisi d’attaquer par le haut en poussant ma Direction à définir (difficilement) sa vision et une Stratégie : bouger les mentalités en ralliant ses collègues autour d’une vision commune … lorsqu’on sait où aller, il est plus facile de faire comprendre ce qu’il sera nécessaire de faire …

    • Bonjour Alban,

      je vous remercie pour ce commentaire vraiment très intéressant.

      Je trouve que vous exprimez parfaitement « le cercle vicieux » auquel sont confrontées la plupart des boites.

      On voit parfaitement ici pourquoi le top management doit être convaincu. C’est à lui de porter le Lean comme un projet d’entreprise.
      Le temps à prendre pour “amorcer la pompe”… s’appelle de l’investissement. Mais contrairement à une nouvelle machine, à court terme, cela ne se voit pas toujours.

      Franchement, super commentaire ! Je vous remercie.

      Cordialement,

      Eric

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