Vive le reshoring…

… couplé au Lean ! Sinon, … ça ne sert à rien.

 

Reshoring

Comment ça vous ne connaissez pas le terme “reshoring” ?!!!

 

Bon, allez, je vous l’avoue … il y a encore quelques jours, je ne le connaissais pas non plus. 😉

 

J’ai découvert le terme, lors de ma “veille technologique” sur le Lean, en lisant le très bon article écrit par Franck Lheureux et David Johnston en septembre 2012 sur Les Echos.fr.

 

Le reshoring, c’est l’inverse de l’offshoring. En bon frenchi, l’offshoring signifie délocaliser et donc par opposition le reshoring c’est …

 

RELOCALISER

 

On pourrait citer certains “retours” célèbres comme les jouets Smoby ou les skis Rossignol. Et il en existe bien d’autres … et c’est tant mieux !!!

Oui, TANT MIEUX !!! Car produire en France est possible ! Je le vois tous les jours !

Produire en France … avec le niveau de qualité nécessaire pour satisfaire ses clients, dans des délais courts, à des coûts compétitifs et avec de bonnes conditions de travail. Oui, nous pouvons redévelopper l’emploi manufacturier en France … au lieu de faire une croix dessus comme nous l’avons fait depuis 40 ans.

 

 

Relocaliser en France. Oui, mais …

 

 

Il serait donc possible de relocaliser la production en France. Il serait donc possible d’éviter le …

Made in china … ou le “Made in Pays de l’Est”

 

Oui, c’est possible, mais …

… pas sans passer par la case LEAN !

 

 

Pourquoi le Lean est-il une “condition nécessaire” ?

 

C’est simple. Pour relocaliser en France, il sera nécessaire que les conditions GLOBALES de production soient au moins égales, sinon, plus avantageuses que celles pratiquées dans les pays “low cost”.

 

Et   le Lean permettra ça!

 

En effet, dans ces pays, les coûts salariaux sont moindres. Et beaucoup d’entreprises qui ont délocalisé depuis les années 80 n’ont vu que cet aspect. Néanmoins, avec le recul, elles perçoivent maintenant les surcoûts de non-qualité (20 % de défauts), les surcoûts engendrés par une logistique “mondialisée” … sans parler des délais “à rallonge”.

Et puis, la Chine et l’Inde commencent toutes les deux à voir l’émergence d’une classe moyenne. Pour le bien de l’humanité, c’est une bonne chose. Pour notre “bien à nous”, aussi!

En effet, cette classe moyenne émergente consomme. Ces deux pays (mais ce phénomène est identique un peu partout, en Turquie, en Europe de l’Est, dans toute l’Asie, au Maghreb …), se tournent donc maintenant vers leurs propres marchés “intérieurs”. Les USA et l’Europe sont donc des “choix” qui restent importants, mais dont la priorité se relativise année après année.

Pour faire court, la classe moyenne est née d’une augmentation des salaires. Ce qui a un impact direct sur les coûts de production. De plus, le fait que le marché intérieur devienne aussi important que les clients à l’export entraine que ces derniers ne sont plus “autant prioritaires”. Cela peut avoir un impact sur les délais.

 

Mais une autre composante est venue bouleverser cet ordre bien établi. Cette composante c’est …
internet

 

… Internet !

 

 

Et plus précisément, l’Internet marchand … et encore plus précisément, l’Internet marchand et ses délais de livraison ultra courts !

 

Vous commencez à me connaitre. Voici donc …

 

 

Un exemple de terrain

 

J’intervenais il y a quelques années dans une grosse PME du secteur textile dans le nord de la France. Ses clients, de grandes marques du prêt-à-porter, avaient progressivement “basculé” vers la chine leurs plus importants volumes d’achat dans les années 90. Les coûts étaient bien plus intéressants …

Toutefois, à cette époque, ces grandes marques ne produisaient qu’une collection par an. Souvenez-vous des catalogues annuels de type La Redoute …

 

Or, l’explosion de l’Internet marchand a tout bouleversé !!!

Pour “rester dans le coup” face à l’émergence de nouvelles enseignes très agressives commercialement, ces marques ont dû multiplier le nombre de collections annuelles. Elles en font aujourd’hui 3 à 4 par an! Environ une tous les trois mois.

Les collections se sont multipliées … mais pas les volumes de ventes !

Cela signifie que la taille des lots achetés en Chine a été divisée par 3 ou 4 !!!

 

Pour imager, avant, elles achetaient en chine un container de 50 000 pièces pour couvrir les besoins de la collection annuelle. Certes, il y avait de la non-qualité (10 à 20%) et le délai d’approvisionnement d’un container par voie maritime était de 5 semaines.

Mais avec des coûts de production si bas, ces conditions d’appro étaient intéressantes.

 

Aujourd’hui, le besoin a évolué. Il est de 12 500 pièces (50 000 / 4, soit 1/4 de container), pour une période vente de trois mois.

Dans ces conditions, les acheteurs se retrouvent confrontés à des vendeurs chinois qui leur font comprendre que “c’est un container par collection, sinon rien”. Normal, leurs marchés intérieurs les font autant vivre que l’export. Ils se montrent alors moins souples …

Autre problème, 5 semaines de délai d’approvisionnement, pour une collection qui dure 3 mois, c’est beaucoup. Bien sûr, me direz-vous, si je commande trois mois à l’avance, ce n’est plus un souci. Mais en général, avec 4 collections par an, les designers sont plutôt “à la bourre” qu’en avance.

Dès lors, dans un circuit de vente rapide comme celui d’Internet, le moindre retard occasionne des pertes de volume de vente, et donc du chiffre d’affaires.

 

Toutes les conditions sont donc réunies pour, dorénavant, “acheter plus proche”.

Certes le coût de production reste plus élevé qu’en Chine (l’écart a diminué en 20 ans), mais la non-qualité est proche de zéro, les délais sont nettement plus rapides et, cerise sur le gâteau … il est possible de commander la quantité “juste pour juste”.

Cette possibilité d’approvisionner “juste pour juste” permet d’ajuster à la hausse comme à la baisse des tailles de lots selon l’engouement des clients pour tel ou tel modèle. C’est un gage de souplesse et de réactivité. Cela permet de faire coller au mieux l’offre et la demande.

Et en termes de coût de revient global, … cela fini par redevenir plus rentable de relocaliser !

 

Time to back home

 

 

Encore faut-il être capable de répondre !

 

C’est bien là que le bât blesse !

L’entreprise textile dont je vous parlais plus haut était …

 

… engluée dans une organisation peu performante !

 

Depuis les années 80, ils ont constaté la baisse progressive de leur chiffre d’affaires. Il y a 30 ans, le site employait 1 000 personnes.

Il y a deux ans, ils n’étaient plus que 240.

L’actionnaire principal a “renfloué” le navire en vendant des biens immobiliers … mais n’a pas fondamentalement réorganisé l’entreprise.

Aussi, cette boite est devenue une “vieille dame” plus capable de “sprinter”. Tout le contraire de ce qui s’est passé à La Redoute …

 

Ils ont donc assisté à un retour partiel de leurs anciens clients, mais avec de nouveaux besoins.

Leurs clients historiques souhaitaient dorénavant des lots plus petits avec des délais plus courts !

 

Des commandes plus petites, … plus rapides, … plus fréquentes, …

cela ne vous rappelle pas un peu Le Lean ?!!

 

Et ils n’ont pas su faire !!!

 

L’entreprise a été liquidée.

 

Sincèrement, c’est un crève-cœur ! Il y avait un vrai savoir-faire, des produits de très haute qualité … Mais une culture industrielle restée coincée en 1970.

Heureusement, l’ancien directeur et quelques clients historiques ont mis “des sous dans la balance” pour reprendre l’activité … avec 170 salariés. Mais si l’organisation de l’entreprise ne change pas radicalement, c’est peine perdue…

 

 

Ce qu’il faut retenir

 

Winston Churchill disait :

Un pessimiste voit la difficulté dans chaque opportunité,

un optimiste voit l’opportunité dans chaque difficulté.

 

Dû fait de l’explosion de l’Internet marchand, il existe aujourd’hui une véritable opportunité de voir la production relocalisée au plus près de son marché.

 

Nous pouvons produire en France des biens qui seront vendus en France et en Europe.

 

Toutefois, si nos performances globales et notre compétitivité ne s’améliorent pas fortement, ce seront probablement nos voisins européens qui profiteront de cette opportunité.

 

Nos entreprises ne pourront relocaliser en France que si elles sont

engagées dans une véritable et profonde démarche Lean !

 

 

C’est cette démarche Lean “difficile”

qui nous permettra de capter cette opportunité !!!

 

 

 

 

 

Et vous, pensez-vous aussi que le Lean soit un préalable à la relocalisation ?

 

 

 

 

 

 

2 Commentaires

  1. Salut Eric,

    Le lean en travaillant au moins dans un premier temps sur les gaspillages (les fameux 3M) permet des gains substantiels (en euros, m2, temps de cycle, stock, équivalent temps homme, délai de livraison, etc…) et on peut en effet redéployer ces ressources en interne pour améliorer au global la compétitivité de l’entreprise. Dans ce ce sens, oui c’est un préalable à la relocalisation. Mais il ne faut pas perdre de vue et en tout cas être conscient que les pays à plus faible coût de main d’œuvre ne sont pas forcément en reste sur le déploiement de démarche lean. Ma petite expérience au Sri Lanka m’a montré à quel point cela peut être vrai et le retard en France et en Europe que nous avons certainement.

    Une autre problématique de fond si on se place au niveau français est celui du MIF (made in France). Lors d’un séminaire, j’avais fait une présentation et pu montrer en effet qu’un produit textile (dentelle) pouvait voir sa fabrication sous traitée en Allemagne puis transformé en France et être frappé du logo MIF… Sans mélanger les genres, notre nouveau gouvernement a aussi certainement un carte importante à jouer pour accompagner le reshoring (nouveau mot dans mon vocabulaire désormais 😆).

    A +

    Fred

    • Salut Fred,

      je te remercie pour ton commentaire. Il va me donner l’occasion de développer un point.

      Ton expérience Sri Lankaise montre que non seulement ces pays ont un coût de main-d’œuvre bien inférieur au notre, mais qu’en pus ils “se mettent au Lean” sans complexes et à fond. Il ne faut pas croire. Les chinois, les roumains, les turcs, les marocains … ont souvent vu nos industriels débarquer, construire une usine flambant neuve avec les dernières technologies matérielles et organisationnelles, notamment le Lean. Cela ajoute à notre handicap …

      Mais nous avons un atout que tous ces pays n’ont pas et que nous sous-estimons “puissance mille”. Nous avons un niveau d’éducation et de formation de base qui est (au niveau global) bien supérieur. Or quelqu’un habitué à être formé se formera plus facilement. Ne dit-on pas qu’il est plus facile d’apprendre une seconde langue étrangère lorsqu’on en a déjà appris une ?

      Nous savons que le secret pour devenir Lean est de “basculer” dans nos schémas mentaux de “le job c’est de faire des pièces” à “le job c’est d’améliorer le job”, le Kaizen.
      Il est nécessaire de se servir de 100% des cerveaux de l’entreprise. Or lorsque ces cerveaux sont faiblement éduqués et formés, c’est la puissance de feu qui en est fortement diminuée.

      Quant à la problématique du “Made In France”, tu as raison, ce peut être bidon, mais c’est un autre sujet …

      A bientôt, Fred.

      Eric

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