La fiche de relevé…

… tel un phare dans la nuit !

 

 

Parmi les outils et méthodes du Lean, il en est un tout simple (je dirais même avec l’accent toulousain “Tout con” 😉 ) que j’affectionne particulièrement.

Il s’agit de ….

 

la fiche de relevé des problèmes !

 

Plutôt que d’en expliquer les bienfaits de façon théorique (et un peu emmerdante…) je vous propose de vous raconter sa mise en œuvre au sein d’un PME que j’accompagne en ce moment.

Soyons concrets; soyons pratiques !

 

 

Et la lumière fut !

 

 

Oui, c’est vrai, le titre de ce paragraphe fait un peu grandiloquent et prétentieux. Pourtant, … pas si dénué d’une certaine justesse.

Comme je vous le disais, j’accompagne en ce moment une PME dans la région Lilloise. Pour faire simple, cette entreprise a bien progressé ces dernières années, mais l’ensemble de l’équipe a pris conscience qu’ils atteignaient un certain “plafond”. De plus, le coût de la non-qualité via le SAV n’est pas négligeable et tout le monde se rend bien compte que la grande majorité des problèmes de SAV aurait pu être assez facilement évitée.

 

Oui, mais voilà ! Lorsque je leur demande ce qu’il se passe … c’est le brouillard général (ou plutôt, la nuit complète 😉 )

Avec ça, pour avancer et progresser, pas facile. Aussi, je décide de “débroussailler”, de “dérouler la pelote” en tirant sur le premier brin qui passe. Je demande au responsable de production son avis sur le sujet et sa réponse est intéressante …

Il me dit :

Eric, en fait, la plupart des problèmes que nous rencontrons en production viennent du fait que les bureaux n’ont pas bien fait leur boulot.

Il en résulte des erreurs, des oublis, des pertes de temps, des prises de têtes et parfois des problèmes qualité qui passent chez nos clients et donnent lieu à SAV.

Et le SAV, cela peut-être “retour, modif et réexpédition”, mais il arrive parfois que cela coûte moins cher de refabriquer un nouveau produit complet.

 

Étant toujours un peu méfiant lorsque j’attends “c’est pas moi, c’est l’autre”, je lui demande d’être plus précis. Et là encore … le brouillard !

Il n’a pas d’exemple concret à me donner, il a encore été ennuyé il y a deux ou trois jours, mais ne se rappelle plus ce que c’était, etc., etc.

 

Avant de pouvoir prendre la moindre initiative, il nous faut absolument avoir une image plus claire de la situation. Ne serait-ce que pour évaluer ce qui relève du “phantasme et du jugement” et ce qui est factuel

 

 

Nommer et quantifier les problèmes

 

Face à une situation floue, la première des choses est d’y voir plus clair. Dans ce cas, l’utilisation d’une fiche de relevé sera des plus pertinente.

Je demande donc au responsable de production…

Je voudrais que les responsables de secteur et toi-même ayez toujours sur vous un petit carnet.

Chaque fois que l’un de vos gars vous appelle pour une question, une erreur, un doute, un irritant, vous le notez dans le carnet.

Pour chaque problème, vous notez la date, la référence de la commande, le client concerné ainsi qu’une très brève description du problème.

 

Pour faire court :

1) Distribution des 4 carnets. 3 pour les resp. de secteur, M. V, M. B, M. Y et un pour le resp. de prod, M. T. Saisie des pbs dans le carnet pendant un mois.

 

2) Lors de mon intervention le mois suivant, création de la fiche de relevé sur Paper board et report des problèmes issus des carnets :

7 problèmes sont nommés : – Pb Qual Fournisseur xxxx, – Manque le bon d’atelier, – Délai trop court entre bon et sortie, – Pb d’info sur le bon, – Pb d’appros, – Pb BL, – Manque etiquettes

Nota 1 : Rassurez-vous, si les pbs ne vous parlent pas, pour eux, c’est très clair. Pourquoi ? Parce que ce n’est pas moi, consultant, qui ai nommé les problèmes, je les ai fait nommer par le responsable de prod. Il utilise donc le “jargon du terrain”, les mots de la boite. Ce point me paraît très important !

Nota 2 : Après avoir “construit” cette ébauche avec le resp. de prod., nous avons remarqué que M. Y avait bien joué le jeu, mais pas trop M. B. J’ai alors décidé de présenter cette fiche aux 3 resp. de secteur afin qu’ils voient ce que nous avions tiré de leurs carnets. J’en ai profité pour chaleureusement féliciter M. Y et encourager M. B à aller plus loin.

Nota 3 : Il est important d’identifier (ici par des cadres de couleur), de quel carnet vient l’occurrence (une case datée). Nous verrons pourquoi par la suite au point 4).

 

3) Lors de mon intervention le mois d’après, nous avons complété la fiche de relevé avec les problèmes issus du second mois écoulé :

Le deuxième mois, aucun nouveau problème n’est apparu.

Les problèmes sont donc tous nommés.

Il n’y en a pas 10, il n’y en a pas 20, il n’y en a pas 50 … IL Y EN A 7 !!!

Cela a déjà le mérite de poser les choses et de montrer qu’une “foule de petits problèmes” qui nous donne l’impression d’un obstacle insurmontable peut en fait se résumer à 7 “familles” de problèmes, obstacle nettement moins impressionnant.

Il ressort ensuite que certaines “familles” de problèmes n’arrivent que peu souvent (la N° 1 ou la N° 7), alors que d’autres au contraire sont très récurrentes (la N° 4). Là encore, le fait de voir les choses pose la situation.

 

4) Une fois la fiche N°1 établie, nous constatons que c’est le Problème N° 4 (- Pb d’info sur le bon) qui est un “best-seller”, ou comme l’on dit souvent, une tête de Pareto. Nous décidons donc de refaire une fiche de relevé sur ce problème spécifique. Nous reprenons donc les carnets de chacun. Le cadre de couleur identifie le propriétaire du carnet et chaque “case date” de la colonne 4 nous renvoie à un problème. Nous obtenons une seconde fiche de relevé :

Avec cette seconde fiche, nous avons décomposé un problème générique et global (Pb N°4 de la fiche 1 – Pb d’info sur le bon) en 9 “sous-problèmes”. L’avantage est que, maintenant, chacun des problèmes de cette fiche N° 2 est plus précis.

On distingue nettement les têtes de Pareto (Pb N°1 et pb N° 5) des queues de Pareto (pbs N° 2, 4, 8 et 9).

À ce stade-là, après avoir présenté cette fiche de relevé N° 2, au patron, à certains acteurs des bureaux et aux responsables de secteur, nous avons décidé d’initier deux chantiers de progrès (trouver les causes racines) pour résoudre les problèmes N° 1 (- Manque ou Pb de cotation) et N° 5 (- Manque informations ou plan).

 

Le travail est en cours, déjà des causes sont évoquées … et des contremesures envisagées ou testées….

 

 

Et après ?

 

Eh bien après, lorsque les contremesures auront été mises en œuvre, il faudra … recommencer à noter les pbs dans les carnets.

En effet, si l’on s’arrête là, comment savoir si les contremesures adoptées ont bien résolu nos problèmes N°1 et N°5 ?

C’est bien là, la phase de Check de la résolution de problème selon le mode PDCA.

Seule, la construction, après quelque temps, d’une nouvelle fiche de relevé N° 1 (issu des remontés des carnets) nous dira si oui ou non, le problème N° 4 (- Pb d’info sur le bon) a vraiment disparu

Si c’est bien les cas, cela signifie que les causes racines des deux problèmes ont bien été identifiées et que les contremesures fonctionnent bien. Dans le cas contraire, c’est que les causes racines des deux problèmes n’ont pas été clairement identifiées et qu’il faut les chercher à nouveau.

 

 

Ce qu’il faut retenir

 

La fiche de relevé est un outil très intéressant pour deux raisons essentielles :

 

• Il est très simple. Aussi, il peut être mis à la disposition des opérateurs. Dès lors, il sera rempli presque en temps réel sur le Gemba (terrain), ce qui permettra d’avoir une image plus proche de la réalité de terrain. Si l’on ne relève pas les problèmes au moment où ils surviennent, il y a de grandes chances pour qu’ils s’évanouissent dans le brouillard général…

 

• Ce petit outil permet, au fur et à mesure des relevés, de mettre en évidence les irritants qui reviennent “tout le temps” par rapport à ceux qui sont assez anecdotiques. Cela peut vous paraître secondaire, mais combien de fois m’a-t-on parlé de problèmes qui arrivent “une fois tous les cinq ans“ alors que l’on ne voit plus ceux qui se produisent 20 fois par jour.

 

Pour conclure, je dirais que la fiche de relevé, sous une apparence simpliste, est un outil …

 

simple pour y voir clair !

 

Or, vous le savez, il faut voir clair pour agir efficacement. Donc, la fiche de relevé est un outil qui permet …

 

de voir clair pour agir !

 

Et comme “voir pour agir” est une des définitions du management visuel.

Par voie de conséquence, je dirais donc que …

 

la fiche de relevé des problèmes

 

est un des outils du management visuel !

 

 

 

 

Et vous, êtes-vous aussi séduit que moi par cet outil tout simple ?

 

 

 

 

 

2 Commentaires

  1. Bonsoir Éric,
    Je lis régulièrement vos articles et je les trouve remarquables (surtout les exemples du terrain).
    Je conseille très souvent votre site internet à mes collègues.
    Bravo
    Merci pour tout ce que vous faites
    J’aime bien dire à mes enfants
    « Nous sommes ce que nous faisons à plusieurs reprises. L’excellence n’est donc pas un acte mais une habitude »
    En reconversion professionnelle depuis 2 ans dans le domaine Méthodes/Lean

    « C’EST PASSIONNANT »

    Bien cordialement

    • Bonjour Stéphane,

      je vous remercie sincèrement pour votre commentaire de remerciement et d’encouragement.

      Je vois que vous aussi avez été contaminé par le virus Lean. 😉

      C’est très bien, nos entreprises françaises ont de grosses lacunes de ce coté-là et toute personne passionnée qui viendra grossir la communauté des amoureux du Lean est la bienvenue.

      J’espère que vos collègues apprécient mes articles autant que vous. Cela permet de semer des petites graines (des idées et des doutes) dans l’esprit des personnes.
      Un jour peut-être, certaines de ces petites graines germeront …

      Bien cordialement,

      Eric Calmettes

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