Le Mura (2/2)

 

Cet article fait suite au précédent : Le Mura (1/2)

 

Quels impacts et quelles conséquences ?

 

Les impacts directs sont l’alternance de sous-charges et de surcharges dans votre flux de production.

 

Effet accordeon

 

Mais au fait … la surcharge … cela ne vous rappelle-t-il rien ? Ne serait-ce pas du Muri ?

 

Cette alternance à trois conséquences immédiates :

  • Un ralentissement du flux et donc, moins de vente sur une période (donc un manque à gagner certain)
  • Un surcoût de fonctionnement pour l’entreprise
  • Un frein à la diffusion de la culture Lean (le Lean thinking) dans votre entreprise

 

 

Concernant le ralentissement du flux :

Voici une petite anecdote de terrain

Lors d’une de mes interventions dans l’industrie, j’avais pour mission d’améliorer la stabilité d’une ligne de production. Le produit était une structure métallique sur laquelle étaient assemblés des sous-ensembles. Le Takt Time était de 20 minutes.

Toutefois, il y avait une grande variation quant au nombre de produits fabriqués chaque jour.

Après étude du flux, nous avons identifié une cause probable dans le manque de régularité du service logistique à apporter des structures au premier poste de la ligne.

En fait, au lieu d’apporter une structure toutes les 20 minutes (calé sur le Takt), le cariste apportait parfois deux ou trois structures (créant un à -coup, une vague), mais le plus souvent il n’apportait une structure que bien après 20 minutes (créant ainsi une attente au premier poste, celle-ci se répercutant sur l’ensemble de la ligne).

Je souhaitais montrer que le Mura (la variation, perturbation dans le flux) générait un manque à gagner en terme de production (et donc de vente).

J’ai donc effectué des relevés précis des temps pendant une semaine (voir aussi Speak with Data).

Le tableau ci-dessous est le récapitulatif de cette semaine :

Relation variabilite production

 

Que voyons-nous ?

L’écart-type mesure la dispersion des valeurs autour de la moyenne des temps d’appro. Plus l’écart-type est grand, plus la variation est grande.

On constate que plus la variation est importante, plus la moyenne a tendance à augmenter.De même, on perçoit assez bien la relation entre l’écart-type et le nombre de produits réalisés dans la journée.

Plus le Mura (la variation) est important, moins il y a de pièces fabriquées par la ligne.

Nota : Bien entendu, ce n’est pas une étude scientifique poussée et mes conclusions sont un peu rapides. Néanmoins, cette petite étude a suffi pour convaincre le management d‘apporter une attention accrue à la régularité du flux … Et les résultats se sont améliorés

 

 

Concernant le surcoût de fonctionnement :

C’est un peu caricatural, mais en sous-charge, on paie des gars à se tourner les pousses, quand en surcharge, il faut embaucher des intérimaires pour faire face. Dans les deux cas, cela représente un surcoût pour l’entreprise.

Par ailleurs, la valse des intérimaires qui arrivent et repartent fait que l’on n’investit pas sur leur formation. Pourquoi former quelqu’un qui va partir bientôt et risque de ne jamais revenir ? L’entreprise “utilise” ainsi des personnes peu formées dans ses processus de fabrication. Il y a donc un risque évident de non-qualité.

Et qui dit non-qualité, dit pertes matières et pertes de temps main d’œuvre (reprises, retouches et rebuts). Un coût élevé …

Une autre conséquence du Mura est la difficulté pour s’approvisionner auprès de ses fournisseurs. C’est beaucoup plus difficile de gérer les appros par à-coups que dans la régularité. De plus, passer des commandes urgentes se fait souvent aux dépens des prix unitaires. Et cela coûte cher à l’entreprise.

La même réflexion est valable pour les expéditions. Affréter un camion spécialement pour faire face, crée un surcoût par rapport au système classique de livraisons.

 

Concernant le frein à la diffusion du Lean :

C’est beaucoup plus subtil, mais le Mura n’encourage ni la diffusion d’une culture d’amélioration continue ni celle d’une culture de résolution de problèmes.

En effet, c’est en tendant le flux que l’on fait émerger les problèmes et c’est en résolvant les problèmes que l’on améliore la stabilité du flux.

Une fois encore, c’est le “serpent qui se mord la queue” (cercle vicieux).

 

Quels sont les Mudas générés par le Mura ?

 

Tous !

 

Le Mura peut générer des attentes (sous-charges) et des accélérations (qui sont des Muris). Or nous avons vu précédemment que le Muri génère tous les Mudas.

Donc par association, le Mura engendre aussi tous les Mudas.

 

Quelle est l’origine du Mura ?

onde

 

Elle peut provenir de l’extérieur sous la forme de la variabilité de la demande du client; que celle-ci soit justifiée, activité saisonnière, ou injustifiée, mauvaise organisation interne des clients.

Je connais quelques PME qui, sous couvert d’anonymat, “balancent sec” sur nos fleurons industriels. 😉

 

 

Elle peut aussi être interne lorsque les opérateurs ne sont pas formés (et bien formés) aux standards de travail. Ou Pire, si ces standards n’existent pas.

Elle peut aussi être dû à la gestion interne de la production qui ne fait pas de distinction entre les runners et “les autres”, et passe tous les produits sans distinction, dans les mêmes circuits de fabrication, en étant gérés et organisés de la même manière…

Les pannes et le manque de performance du système logistique peuvent aussi générer des à-coups, et donc, du Mura.

 

Qui ou quoi est responsable du Mura ?

 

Encore une fois, ce paragraphe ne doit pas être prétexte à une chasse aux sorcières, ou au blâme individuel.

 

Comme pour le Muri, le plus souvent le Mura est la conséquence, en interne, de processus médiocres, d’un management peu performant et d’une politique commerciale davantage centrée sur les marges et le chiffre d’affaires que sur le “gain global” pour l’entreprise.

Attention, ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit ! Les forces de ventes sont primordiales pour l’entreprise.

 

Pour les composantes externes, des clients qui ne sont pas Lean, … donc le marché, mais aussi la typologie de l’activité (cas d’une activité saisonnière).

 

Quoi qu’il en soit, la responsabilité est collective. Beaucoup trop d’entreprises considèrent encore le Mura comme la norme et surtout comme une fatalité.

“Aujourd’hui” il y a du boulot, “demain” c’est plus calme. C’est comme ça, on n’y peut rien !

 

 

Dans un prochain article, nous verrons quelles sont

les possibilités pour éliminer ou réduire le Mura

 

 

 

Et vous, percevez-vous le Mura dans votre entreprise ?

 

 

 

6 Commentaires

  1. Attention à ne pas mélanger Mura et Baratsuki…

  2. Retour PingLe Mura (2/2) | Au fil du Lean ... | Lean manag...

  3. Je suis étudiante en licence pro management des entreprises par la qualité (en alternance).
    J’ai eu un cours (ou plutôt une approche) sur les « VSM » que je n’ai d’ailleurs pas compris….
    Comme je dois dessiner la VSM d’une entreprise je recherche des informations sur le nets. Voilà que je tombe sur votre site, fort intéressant, utile et drôle.
    Cordialement Mme SCHAHL

    • Bonjour Madame,

      je vous remercie pour votre commentaire. Je le prends comme un encouragement.

      Concernant la VSM, je ne peux que vous inciter à lire la série de 3 articles que j’ai écrits sur ce Blog. Vous trouverez le premier en cliquant sur le lien une cartographie de type VSM

      Ce n’est pas un cours, à proprement parler, mais plutôt une explication accompagnée d’une réflexion.

      Enfin, un petit conseil, si vous me permettez. Vous dites « Comme je dois dessiner la VSM d’une entreprise … ». Je vous suggère de ne pas essayer de cartographier l’ensemble des flux d’une entreprise. Cela risque de devenir très vite beaucoup trop complexe et illisible.
      Faites une VSM sur un flux significatif de l’entreprise (par son importance et son volume), et vous aurez déjà beaucoup de choses à améliorer. De plus, ces améliorations apporteront leur lot de changement et indirectement, elles auront des répercussions sur les autres flux.

      En ne travaillant que sur un flux, votre périmètre est restreint. Il est donc plus « maitrisable ». Vous pourrez allouer des ressources à ces améliorations sans vous disperser et obtenir des résultats visibles sur lesquels vous appuyer par la suite. Sinon, à toucher à trop gros, on ne touche à rien…

      N’hésitez pas à me contacter par email ou via les commentaires, si je le peux, je vous aiderai avec plaisir.

      Bien cordialement,

      Eric Calmettes

  4. Bonjour M. Calmettes,
    Je suis également étudiante (alternante) en Ingénierie Performance industrielle. Je ne saisie pas l’intérêt de faire la distinction de gestion de production entre « runners » et les autres commandes et comment cela peut provoquer des Muras.
    Vous serait-il possible de m’éclairer ?

    Merci pour vos pistes d’amélioration et pour vos articles très instructifs.
    Cordialement, Mme Chouteau

    • Bonjour Madame Chouteau,

      je vous remercie pour votre commentaire/question.

      Je vois dans bcp d’entreprises, surtout des PMEs, puisque c’est mon “univers”, le même phénomène se reproduire.

      Pour faire simple, il y a des produits “Runners” et de “l’épicerie”. Les Runners sont les produits qui reviennent souvent en commande
      avec, la plupart du temps des quantités de commandées importantes. Ce sont des produits que l’on a l’habitude de faire régulièrement, dont
      le procédé de fabrication est bien rodé (pour ne pas dire optimisé).

      A l’opposé, l’épicerie correspond à l’ensemble des petites commandes uniques ou qui reviennent rarement. Ces petites commandes engendrent
      beaucoup de réglages. Parfois même, le temps de réglage de la machine est plus long que le temps de réalisation de la commande elle-même.
      En gros, toutes ces petites commandes font bien ch… tout le monde. Pourtant il faut bien les faire. Il y a un client au bout qui attend ces pièces.
      Par ailleurs, dans la plupart des PMEs, ces petites commandes sont la norme et elles représentent le plus gros du chiffre d’affaires.

      Le problème est que généralement les entreprises “mélangent” l’épicerie et les Runners. Les deux passent dans le même flux physique …

      Si vous avez de la chance, vous tombez sur des Runners et vous êtes cool, une fois réglé, ça tourne tranquillou et vous avez même une
      bonne productivité. Mais si vous tombez sur de l’épicerie, vous allez speeder pour sortir les commandes et vous n’aurez pas commencé
      une commande qu’elle sera terminé et qu’il faudra régler la suivante.

      Maintenant, imaginez le poste suivant (poste client). Si vous avez de l’épicerie, vous voyez régulièrement des commandes vous parvenir.
      Par contre, si c’est un Runner (sauf très gros Runner où des partiels sont avancés), vous pouvez rester sans boulot quelques heures
      ou quelques jours, le temps que le poste amont au votre traite sa commande et tout d’un coup, vous voyez une énorme quantité de travail
      qui arrive (le Tsunami). On retrouve bien l’effet accordéon …

      Dans ce cas, la meilleure façon d’éviter cette variabilité (Mura), c’est de séparer les flux physiques. Une machine/ligne est dédiée aux
      Runners, une autre est dédiée à l’épicerie. Dans ce cas la typologie des commandes ne change pas et chaque machine/ligne aura sa propre
      organisation.

      Par exemple, j’interviens chez un fabricant d’étiquettes pour l’agroalimentaire. Une machine moins récente et donc plus difficile à régler
      est dédiée aux Runners, car une fois réglée, elle “dépote”. Une seconde machine plus récente (avec des réglages automatiques) est, elle,
      dédiée à l’épicerie.

      Par contre, les PMEs n’ont pas toujours le choix ou la possibilité de séparer les deux flux… Dans ce cas, il y aura du Mura au poste ou sur
      la ligne de fabrication.

      Madame Chouteau, ai-je répondu à votre question ?

      Bien cordialement,

      Eric Calmettes

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