Patrons de PME, vous êtes au volant d’un bolide …
… alors lâchez les chevaux
qui dorment sous votre capot !!!
Oui vous êtes au volant d’un bolide !!!
Mais peut-être ne le savez-vous pas, ou l’avez-vous oublié, tellement votre attention est détournée vers l’extérieur.
Vos clients qui vous appellent dans toutes les directions, les différentes administrations qui vous noient sous une paperasserie lourde et complexe dont on ne voit pas toujours l’utilité …
Et pour couronner le tout, vos employés qui ne veulent pas comprendre…
Mais au fait, quel est le premier facteur de mécontentement des opérateurs ?
En septembre 2010, j’ai assisté à l’IAE de Nantes à une journée de conférences, organisée sur le thème du Management et des conditions de travail.
Un des maîtres de conférence nous a fait part d’une étude qu’il avait menée auprès d’un échantillon d’entreprises, de différentes tailles et différents secteurs d’activité.
Il demandait aux “opérateurs” (ou plus précisément aux personnes qui apportent la valeur ajoutée dans le processus), qu’est-ce qui, dans les pratiques managériales, générait le plus stress pour eux.
Les résultats furent surprenants
En effet, en accord avec le discours commun, tout le monde pensait que le stress des “opérateurs” provenait de la pression des managers pour produire toujours plus, toujours plus vite (syndrome de Charlie Chaplin dans “Les temps modernes”).
Eh bien non, ce n’est pas ça !
La première cause de stress …
… c’est l’absence de managers sur le terrain
Explication
De nos jours, l’entreprise est sur sollicitée par son environnement. Le “boss” doit répondre en permanence à des demandes “extérieures”. Du reporting en tout genre pour le groupe, des rendez-vous avec des clients, parfois avec des fournisseurs, des réunions avec des organismes divers et variés (expert-comptables, CCI, organismes de formations, etc.)
Par ailleurs, depuis une trentaine d’années, les fonctions d’encadrement ont évolué vers des rôles de gestion au détriment, la plupart du temps, des rôles de Leader/décideur. Aussi, si les décisions ne sont plus prises sur le terrain, elles doivent être prises en comité de direction.
Naturellement, le “Patron” étant surbooké fera appel à ses N-1 pour l’épauler. Les N-1 feront alors davantage de reporting, davantage de rendez-vous et de réunions. Eux-mêmes surchargés, ils s’appuieront sur leurs N-1 … Et le cercle vicieux est amorcé …
Lorsque les N-2 sont occupés à faire du reporting pour leur “chef”, ils ne sont plus sur le terrain avec leurs gars.
Les opérateurs se retrouvent alors désemparés face aux aléas inévitables qui surgissent dans leur travail. Ils se retrouvent seuls …
Résultats : Frustration et démotivation sont “au menu”, ainsi que leurs corollaires baisse de qualité et perte de productivité.
Et si nous lâchions les chevaux qui dorment …
Allez, un petit exemple de terrain, ça vous dirait ?
Dans le cadre d’une Gemba Walk (visite sur le terrain) interentreprises, je suis intervenu au sein d’une PME d’une trentaine de personnes.
Nous étions en phase d’observation dans un atelier disposant de vieilles “bécanes”. Nous regardions avec le patron du site et son responsable qualité, comment le travail “se faisait”.
Soudain, une des machines de l’atelier tomba en panne. Branle-bas de combat (surtout que le patron était présent 😉 et qu’il montrait son entreprise au groupe) !
Le problème venait d’un dévidoir de fil qui s’était bloqué en amont de la machine. Cette dernière n’était donc plus alimentée.
Je n’aborderai pas davantage le problème ni la/les cause(s) racine(s) de celui-ci, car ce n’est pas l’objet de mon propos.
À la fin de la Gemba Walk, l’ensemble du groupe fut d’accord. Il fallait se focaliser en priorité sur ce problème.
Rendez-vous fut pris pour un débriefing lors de la prochaine Gemba Walk.
La fois suivante, l’entreprise nous fit son retour.
Le responsable Qualité avait réuni tous les gars de ce petit atelier autour de la machine.
Il avait posé le problème et leur avait demandé ce qu’ils en pensaient …
Et là, surprise !!! Les gars connaissaient bien le souci, puisqu’ils travaillaient tous les jours avec. Ils étaient les premiers enquiquinés et voulaient absolument le résoudre une bonne fois pour toutes.
Au cours de la discussion, une multitude de contremesures/solutions furent apportées par les gars eux-mêmes. Y compris des solutions innovantes …
Si vous aviez pu voir les yeux du responsable qualité et du patron lorsqu’ils nous ont raconté leur histoire.
Ils brillaient de jubilation … tout en étant encore très surpris par l’énergie dégagée lors de l’exercice.
Pourquoi cet étonnement ?
Parce qu’ils venaient de libérer l’énergie qui sommeillait en chacun des gars.
Comment ? En venant sur le terrain et en leur demandant “Pourquoi”, en demandant leurs avis, leurs opinions, leurs idées, …
Et cette expérience, ils nous l’ont fait partager
Que faut-il retenir ?
Pour ma part, je retiendrais les quatre choses suivantes :
- Le fait de revenir sur le terrain vous permet de voir les vrais problèmes. En faisant cela, vous envoyez le message “les gars, vous n’êtes pas seuls” à vos opérateurs qui, dans l’immense majorité, n’aspirent qu’à bosser dans de bonnes conditions avec un bon niveau de qualité
- Le fait de les solliciter sur leur travail vous permet de libérer l’énergie qu’ils possèdent. Dès lors, c’est l’ensemble de l’entreprise qui profite de leur expérience
- L’énergie de 10 opérateurs fera bouger les choses plus sûrement, rapidement et de façon pérenne, que l’énergie d’un seul chef d’atelier. Ainsi, il y a démultiplication des leviers d’actions sur laquelle pourra s’appuyer l’encadrement pour faire évoluer toute l’entreprise
- En venant sur le terrain et en leur demandant leur avis, vous faites preuve de respect et de reconnaissance à leur égard. Je ne connais rien de mieux pour motiver et souder une équipe. Pas même l’argent … si, si, croyez-moi …
Voilà, vous avez trouvé l’accélérateur …
… vous avez lâché les chevaux qui sommeillaient sous le capot …
… maintenant, comme pour tout bolide, il va falloir apprendre à le “piloter”
Et vous, dans votre entreprise, avez-vous déjà “touché du doigt” cette énergie ?
Laissez-moi un commentaire, il profitera à tous 🙂
article intéressant et très juste, je remarque à peine qu’à priori il n’y a pas de « jument sous le capot dans cette boite … » les gars vous n’êtes pas seuls, les filles …
Bonjour Isabelle,
je vous remercie pour votre commentaire et votre appréciation.
Vous avez raison des signaler qu’il n’y a pas que des gars dans l’industrie.
Mais vous l’aurez compris, c’est plus facile d’écrire un article en disant « les gars » que « les gars et/ou les filles ».
De plus, un certain nombre d’articles font référence aux opératrices …
Alors oui, « chevaux » ou « juments », mêmes préoccupations et mêmes potentiels.
A titre personnel, je pense que la mixité apporte de la richesse. Lorsqu’hommes et femmes travaillent ensemble, leurs sensibilités différentes se complètent et l’entreprise y gagne en créativité. J’ai encore en tête ce super chantier 5S dans lequel le groupe de 12 personnes était constitué de seulement 3 hommes.
Mais pour moi, ce sont tous et toutes « des gars » … C’est un peu ça aussi l’égalité de sexes.
J’espère, Isabelle, que vous continuerez à parcourir mon blog, même s’il est un peu provoc 🙂 (à ce sujet avez-vous lu : Lean, Pas lean, le sac à main des filles ?).
Bien cordialement,
Eric
Ton blog à un vrai univers !
Bonjour Arnaud,
merci pour le commentaire, cela fait plaisir et m’incite à continuer.
Eric
Bonjour,
Un très bon article démontrant bien par A+B le pouvoir du Gemba, le terrain c’est le lieu où se règle tous les problèmes.
Par ailleurs, je me permets d’ajouter au vue de mon expérience actuelle dans une entreprise dans l’environnement que face à un problème, même si le manager ou l’encadrant (animateur) à la volonté d’aller sur le terrain, d’inclure et de faire participer tous les opérateurs dans l’objectif de solutionner le ou les problèmes actuels, si quelques opérateurs ne veulent pas obtenir une démarche d’amélioration, il est clairement impossible d’arriver à quoi que ce soit.
Un très bon article quoi qu’il en soit,
Salutations,
Quentin Guérandel.
Bonjour Quentin,
je vous remercie pour votre commentaire et je suis heureux que l’article vous ait plu.
Comme vous le savez, une population normale se classe en général selon 3 catégories. 20 % de meneurs (ils sont positifs, vont de l’avant, essayent de trouver de nouvelles façons de travailler … mais ils faut aussi parfois les freiner), 60 % de « sans opinions » (ceux qui attendent prudemment de voir dans quel sens le vent va tourner) et 20 % de « freineurs » (ceux qui n’adhèrent pas et/ou sont contre les changements).
Parmi les 20 % derniers, il existe une petit minorité (2 à 3 % du total) qui sont des « freineurs intentionnels ». Ce sont des personnes qui sont de mauvaise foi, qui critiquent, qui, en général n’écoutent pas les arguments autres que les leurs et qui vont essayer de « contaminer » les autres. Pour moi, j’appelle cette minorité « les saboteurs ». Attention, je ne parle pas du syndicaliste virulent mais sincère, qui cherche réellement à faire progresser les choses.
Il n’y a pas 36 possibilités. Même si peu d’ouvrages Lean abordent le sujet (parce que souvent cette minorité n’existe pas), il est recommandé, soit de positionner ces personnes à des rôles où elles n’auront plus d’impact négatif, soit, et c’est malheureux, de les licencier.
Nous sommes tous des êtres influençables. Humblement, moi le premier. Si je fais une analogie médicale, il faut savoir couper un membre pour éviter que la gangrène ne se propage. Pourquoi ? Parce naturellement, humainement, la « propagation négative » est toujours beaucoup plus rapide que la « propagation positive ». C’est d’ailleurs un fait vérifié que tous les commerciaux connaissent. Vous êtes satisfait d’un resto, vous en parlez à 9 personnes, vous n’êtes pas satisfait, vous en parlez à … 22 personnes (et cela augmente encore plus aujourd’hui avec les réseaux sociaux et le Net).
Heureusement, dans la plupart des cas, il n’y a pas lieu de prendre de telles mesures et un petit « recadrage » dans le bureau du boss (ou N+2, N+3) est souvent suffisant… non pas pour convaincre, mais au moins pour ne plus contaminer.
Bien cordialement,
Eric