Ne confondrions-nous pas vitesse et précipitation ?
Il est des choses qui me surprendront toujours, même après avoir vu des dizaines d’entreprises.
L’une d’entre elles est notre nature profonde à vouloir aller toujours plus vite …
… sans prendre le temps de réfléchir !
Je crois fondamentalement que nous sommes formatés, dans notre ADN et notre éducation (l’inné et l’acquis), pour le “toujours plus”.
Je ne souhaite pas revenir ici sur le terrain de savoir si c’est raisonnable, si c’est viable pour l’humanité, l’écologie, notre planète, etc., etc.
Je ne pense pas être compétent pour discuter du sujet, si ce n’est à titre modestement personnel.
Par contre, je fais le constat que le besoin d’aller toujours plus vite est demandé par tous les clients de tous mes clients.
C’est la mondialisation, c’est internet, c’est Amazon, ce sont les réseaux sociaux et l’information en continu …
Comme je le dis souvent en entreprise :
Aujourd’hui, ce ne sont pas les gros qui mangent les petits,
ce sont les rapides qui mangent les lents !
C’est une réalité à laquelle il faut se confronter !
Et s’il vous plaît, ne nous plaignons pas,…
… c’est bien nous, vous comme moi, qui voulons tous cela !
Et si nous sommes honnêtes, nous le reconnaitrons.
Et si nous sommes sincères, pour lutter contre cet état de fait, nous commencerons par changer nos propres pratiques !
Aller vite, faire vite … n’oublions pas les fondamentaux !
Je suis encore et toujours surpris de voir les personnes confondre vitesse et précipitation. Chez les “jeunes”, je peux comprendre. Mais même les “anciens” sont dans cette logique.
En fait, il y a probablement une grosse part de formatage intellectuel. Dès notre plus jeune âge, on nous apprend qu’il faut faire …
… VITE et BIEN !
Or, ce que l’on retient souvent c’est “d’abord vite, et bien si c’est possible”. Avec le temps, cela devient presque “Il faut faire vite et on n’ a pas le temps de faire bien … ”.
N’a-t-on pas le temps ou ne prend-on pas le temps ?
Comment faire vite ?
Pour faire vite, il faut gagner du temps. Pour gagner du temps, on va automatiser, on va chercher les “pouièmes”, … bref, on optimise chaque ressource pour qu’elle produise plus et plus vite.
Cela s’appelle du Taylorisme. Cela a été efficace et a permis de produire en masse à une époque où l’on en avait besoin.
Mais le Lean, c’est autre chose. S’il prend ses racines dans le Taylorisme et le Fordisme, il s’en démarque ! Il cherche à améliorer la performance globale. Cela passe par l’amélioration du flux …
Et c’est bien en cela que les fondamentaux du Lean sont souvent oubliés.
Être plus performant, ce n’est pas gagner du temps.
Être plus performant, c’est ne plus en perdre !
Comment ne plus perdre de temps ?
C’est simple :
En faisant bien du premier coup !
En évitant d’avoir à reprendre, refaire, retoucher, recommencer …
Et faire bien du premier coup, cela s’acquiert …
… cela s’apprend !
Et nous le savons tous, l’apprentissage, ce n’est pas rapide, cela ne va pas vite, cela prend du temps. Aussi …
… pour faire vite, il faut prendre le temps de faire bien !!!
Deux petits exemples de terrains
1) Charité bien ordonnée commence par soi-même :
J’essaie sincèrement de m’appliquer tous les conseils que je préconise à mes clients. Je sais à quel point c’est parfois difficile. Cela me permet d’être indulgent et bienveillant envers eux …
Lorsqu’il m’arrive de “bricoler”, je débranche mon cerveau pour ne pas avoir honte tellement je me rends compte combien je ne suis pas Lean. Même si j’essaie en permanence de m’améliorer et trouve des petites astuces (deux crayons, deux mètres à ruban, outils posés à un endroit central pour ne pas les chercher en permanence, etc.), je vois bien à quel point je ne suis pas très performant.
À ma décharge, comme tout bon bricoleur, je me retrouve souvent face à de nouvelles situations, en phase d’apprentissage …
En revanche, il y a une chose sur laquelle je ne transige pas, c’est le fait de vouloir faire bien du premier coup. Aussi, je suis lent! Je passe beaucoup de temps à mesurer, calculer, étudier, prévoir, protéger (ex. les sols avant de peindre pour ne pas avoir à nettoyer ensuite). La préparation est longue, mais généralement ensuite … tout roule.
Je l’avoue, de temps à autre, malgré la préparation, je me plante et ce n’est pas bon du premier coup. Cela me vexe un peu, je refais et passe à autre chose en cherchant toujours à faire mieux ensuite…
2) Mon dernier chantier 5S :
Cela s’est déroulé la semaine dernière, c’est tout frais.
J’ai l’habitude de former aux 5S en trois étapes : je fais un premier chantier 5S avec un groupe. Ensuite, je fais faire un second chantier 5S à ce même groupe en me mettant en recul et en leur demandant de former aux 5S un ou deux “petits nouveaux”.
Lors de cette seconde étape, le groupe était super enthousiaste et motivé suite au premier chantier. À tel point, qu’ils sont partis “à fond la caisse”. Tellement “à fond la caisse”, qu’ils ont oublié certains fondamentaux. Ils m’ont fait rire…
En effet, ils ont tout nettoyé, mis les pièces dans des bacs propres, identifié les bacs, délimité et identifié les emplacements recevant ces bacs. Je peux vous dire que la Dymo a chauffé…
A la fin de la première journée, tout était bien rangé et propre, je montre un grand bac plein de pièces et demande à l’opérateur qui travaille dans la zone : “Combien de temps faudra-t-il pour consommer ce gros bac ?”
Il me répond tout fier : “Ho ça, plusieurs années, je n’en utilise quasiment jamais !”.
J’ai répété l’opération sur deux ou trois autres références, même réponse.
En fait, en partant “à fond la caisse”, ils avaient fait le S2 (identifier, ranger, agencer), le S3 (nettoyer et inspecter minutieusement), mais avaient simplement zappé une partie du S1 (trier, débarraser) qui dit que l’on ne garde au poste de travail que ce qui est d’un usage courant.
Ils ont dû tout refaire !
Par contre, ils ont appris et cette fois se sont demandés “quoi garder, en quelle quantité, dans quel bac et à quel emplacement”.
Ce qu’il faut retenir
Nous avons tous tendance à croire que pour aller plus vite il faut accélérer. Alors nous appuyons plus fort sur l’accélérateur sans pour autant lâcher la pédale de frein.
Le principe du Lean est de s’attaquer à réduire la non-valeur ajoutée. Ainsi, proportionnellement, la part de valeur ajoutée augmentera.
Pourquoi cette approche est-elle si importante ?
Tout simplement parce que dans nos processus la part de valeur ajoutée et bien souvent inférieure à 1 %. Aussi, il est beaucoup plus facile et impactant de s’attaquer aux 99 % de non-valeur ajoutée, que de vouloir passer de 1 % à 1,05 % de valeur ajoutée.
Si vous réduisez de 50 % votre non-valeur ajoutée, mathématiquement votre part de valeur ajoutée représentera alors environ 2 %.
Je répète donc :
Être plus performant, ce n’est pas gagner du temps!
Être plus performant, c’est ne plus en perdre !
Prenez donc le temps de réfléchir
à ce qui vous fait perdre du temps !!!
Et vous, prêt à réfléchir ou préférez-vous recommencer 😉 ?