Entrons dans “le dur”
Lors du précédent article sur les étapes du A3, je vous ai laissé sur votre faim …
Aussi, je vous propose de continuer à passer en revue les différentes étapes d’un A3 de résolution de problème sans plus tarder …
Le contexte
Le contexte est “une case perturbante”, notamment parce que beaucoup de néophytes font la confusion entre cette case et la suivante “la situation actuelle”.
Le but du contexte est double :
– Expliciter quel est le problème ou autrement dit “pourquoi est-il nécessaire de faire un A3”
– Permettre au client / manager de voir si le sujet du A3 participe à l’atteinte des objectifs de l’entreprise
Si vous le voulez bien, développons un peu ces deux points.
La plupart du temps, les personnes n’évoquent pas leur problème, elles vous parlent des solutions qu’elles pensent nécessaire de mettre en œuvre pour résoudre leur problème. À ce sujet, je vous invite fortement à relire l’article “c’est quoi le problème ?” dans lequel je cite deux exemples de terrain.
Croyez-moi, exprimer quel est son problème, simplement, de façon neutre et brute, sans anticiper sur des pistes de solution est un exercice loin d’être évident.
Bien souvent, je pose et repose les questions : “Quel est vraiment le problème ?“ ou bien “Pourquoi est-il nécessaire de faire ce A3 ?”
C’est la seule case dans laquelle j’autorise “des mots un peu flous”. Pourquoi accepter ce qui peut paraître pour une concession, alors que je vous rabâche de bannir les mots flous au profit “du factuel” ?
Parce que bien souvent, la première expression du problème est émotionnelle. “C’est trop long”, “c’est trop compliqué”, “c’est trop lourd à gérer”, “on n’a pas assez de temps pour le faire”, “on ne sait pas pourquoi l’erreur se produit”, “on ne sait pas quand l’erreur se produit”, “la masse financière du stock est trop importante”, “nous avons trop de ruptures”, etc., etc.
De cette manière, n’importe quel lecteur lisant le contexte saura en un clin d’œil quel problème de base est traité dans le A3.
Par ailleurs, le second rôle de la case contexte est de permettre au client / manager de vérifier que l’équipe du A3 ne part pas dans une direction qui n’intéresse pas l’entreprise, au risque de gaspiller du temps, et donc des ressources humaines.
L’exemple typique est d’ouvrir un A3 pour résoudre un problème qui vient de se produire (et que tout le monde a encore en tête), mais qui n’arrive qu’exceptionnellement, alors que subsistent des “irritants” quotidiens ou des problèmes qualité récurrents qui “plombent” la performance globale de l’entreprise.
La case contexte permet donc d’éviter de travailler sur les mauvais sujets.
La situation actuelle
Là, ça se corse !
Le but de cette case est de permettre d’avoir rapidement une vision la plus exhaustive possible de la situation actuelle.
Ici, pas de place pour le flou !!!
Cette case doit ne comporter que des éléments factuels, à savoir :
– des données chiffrées, quantifiées (poids, mesures, montants €, % …)
– des fréquences
– des graphiques (étapes de processus, histogrammes, courbes, camemberts …) avec libellés, données et %
Cette case ne doit pas comporter :
– du “bla-bla” (jugements personnels, émotions, avis, ressentis …)
– du “bla-bla” (sur ce qu’il faudrait faire ou avoir)
– du “bla-bla” (sur les objectifs à atteindre)
– des contremesures et solutions à appliquer
La construction d’une situation actuelle est une étape FONDAMENTALE. Elle est le reflet de la compréhension du processus ou procédé par l’équipe du A3 (et notamment du “fournisseur”, qui acquiert dans cet exercice son expertise du sujet).
Plus elle est complète, précise, concise, synthétique, plus elle reflètera le travail de “malaxage” fourni par l’équipe.
Lors de cette étape, si une question reste sans réponse, alors il faut aller “chercher des billes” sur le terrain, “là où ça se passe”.
Normalement, on ne devrait pas passer à l’étape suivante sans avoir bien établi la situation actuelle.
Dans la pratique, il arrive souvent, notamment lors de la recherche de causes racines, que l’on se pose des questions qui nécessitent de mettre à jour la situation actuelle. Comme on dit, “on ne sait pas qu’on ne sait pas”.
Allez, j’arrête le bla-bla et vous propose un exemple.
(cliquez sur l’image pour l’afficher dans une nouvelle fenêtre)
La situation cible recherchée
La situation cible nous indique l’objectif à atteindre.
Attention, j’ai bien dit l’objectif à atteindre, … pas “la route à emprunter pour l’atteindre”.
Je vois trop souvent des situations cibles dans lesquelles il est écrit “mettre en œuvre une procédure pour …”. Dans ce cas, on focalise l’attention sur le moyen pour atteindre l’objectif (la procédure) et pas sur l’objectif lui-même.
Le souci, c’est qu’à ce niveau-là, on ne sait pas forcément “ce qui cloche”, puisqu’on n’a pas encore fait l’analyse de causes racines du problème qui nous concerne. Aussi, il n’est pas possible d’évoquer un moyen plutôt qu’un autre pour atteindre notre objectif.
Après tout, une fois les causes racines du problème connues, peut-être ne sera-t-il pas nécessaire de créer une nouvelle procédure. Par exemple, si la cause racine est due au fait qu’une personne nouvelle dans l’entreprise n’a pas été formée sur tel ou tel processus lors de son intégration, il n’est pas nécessaire d’ajouter “une couche” au process. Il suffit de la former.
Plusieurs remarques :
– L’objectif doit être quantifié (pas de “améliorer ceci” ou de “réduire cela”)
– L’objectif doit être daté (sinon ce sera la fin de la dernière action du plan d’action qui servira de limite)
– Si l’objectif global est constitué de plusieurs objectifs, ils devront TOUS être atteints. C’est du “ET”, pas du “OU” en logique Booléenne. Attention à ce point. À rajouter des objectifs, certains risquent d’être contradictoires. Je parle par expérience … De même, s’il y a beaucoup d’objectifs, on risque de perdre en concision et de partir dans trop de directions.
– L’objectif doit être ambitieux sinon vous courez le risque de ne pas changer grand-chose. Aussi, de manière générale (et un peu empirique, je l’avoue), on cherche “à doubler ce qui fonctionne et à diviser par deux ce qui déconne”. Néanmoins, chacun est seul juge de l’objectif qu’il fixe, cela est propre à chaque sujet abordée et au contexte général de l’entreprise.
Pour toutes ces raisons, je préconise de n’avoir qu‘un ou deux objectifs quantifiés et datés. Pas plus !
Par exemple, à la situation actuelle montrée ci-dessus, l’entreprise concernée a choisi l’objectif suivant :
L’analyse des causes primaires et racines
Cette case est le cœur d’un A3 de résolution de problème.
Pour bien aborder la recherche des causes racines, nous devons nous poser la question fondamentale :
Qu’est-ce qui peut m’empêcher de passer
de la situation actuelle à la situation cible ?
Attention, les premières causes qui apparaissent ne sont pas des causes racines. Je les appelle des causes primaires. Elles viennent à l’esprit rapidement, elles sont évidentes.
Si je m’arrête de creuser à ce stade, il est fort probable que je ne m’attaque qu’aux effets ou conséquences, à la face émergée de l’iceberg. Dans ce cas, le problème ne sera pas résolu et aura de grandes chances de réapparaître dans le futur.
C’est pourquoi, chaque cause primaire doit être l’origine d’une “démarche 5 P” (les 5 Pourquoi).
Dans des cas “plus costauds”, face à des problèmes plus complexes et/ou des causes peuvent être imbriquées et interdépendantes, un diagramme il sera préférable de réaliser un diagramme Ishikawa.
De façon pratique, cette analyse demandant souvent plus de place qu’il n’y en a dans la case, je demande au groupe de n’écrire que les causes primaires et ensuite les causes racines qui leur sont rattachées.
Une cause primaire peut aboutir à plusieurs causes racines.
Inversement, plusieurs causes primaires peuvent mener à la même cause racine.
Le plan d’action
La phase précédente a permis d’identifier les causes racines du problème. Dès lors, les contremesures à prendre sont directement liées à chaque cause racine.
Le but est d’éradiquer ces causes racines par l’application des contremesures.
C’est en fait assez simple. Je dirais même, c’est presque mécanique. Lorsque l’analyse est bien faite et les causes racines bien identifiées, les contremesures à prendre deviennent évidentes. Elles sautent aux yeux.
En revanche, si elles n’apparaissent pas comme évidentes, il alors est probable que vous n’ayez pas correctement identifié les causes racines de votre problème. Dans ce cas, il faudra retourner creuser à l’étape précédente d’analyse des causes primaires et racines.
Attention ! Lorsque je dis que les contremesures sont évidentes, je ne dis pas qu’elles sont faciles à réaliser.
Chaque action du plan d’action correspondra à une contremesure et participera à l’éradication d’une cause racine. Lorsque toutes les actions seront traitées, le problème devrait avoir DÉFINITIVEMENT disparu. Si tel n’est pas le cas, c’est que le A3 n’est pas complet; probablement la situation actuelle n’est elle pas suffisamment développée ou l’analyse des causes racines est-elle trop succincte.
Les effets obtenus
Ici, c’est le Check du PDCA.
Nous vérifions, par des mesures, que les résultats obtenus ont permis d’atteindre l’objectif prévu dans les temps prévus.
Si c’est le cas, tant mieux. Le A3 peut-être clôt.
Parfois, ce n’est pas le cas, car la tendance est bonne, mais il faudra plus de temps que prévu. Je conseille alors d’effectuer une revue de A3 ultérieure en vue de sa clôture. Mais on ne laisse jamais un A3 ouvert indéfiniment, car cela risque de démotiver tout le monde.
Un A3 jamais clôt est comme un projet
démarré qui tombe aux oubliettes …
Le suivi
Cette case est intéressante à plus d’un titre, mais ne participe pas directement au A3.
Durant le déroulement de la méthode et la construction du document A3, certains problèmes (connexes ou non) peuvent se révéler.
La décision peut-être prise de les “mettre de côté” afin de ne pas “diluer les efforts”. Il n’en reste pas moins que ces problèmes existent et les résoudre participera à l’amélioration de la performance. Mais les résoudre … plus tard.
De même, en fin de A3, il arrive de constater que le problème est globalement résolu (case Effets Obtenus), mais qu’il reste des points à encore travailler sur le même sujet (sur ce point particulier, il nous faut encore bosser et faire mieux).
Enfin, il se peut que certains aspects du problème ne soient carrément pas traitables (rétrofiter une machine dont le fabricant a fait faillite, faire modifier un programme informatique écrit dans un langage obsolète, …). Il est alors souvent décidé de s’en occuper plus tard, voire même, de ne pas s’en occuper et de vivre avec.
En revanche, là où cette case fait sens, c’est qu’elle contient la matière pour alimenter de futurs A3. Nous voyons ici le lien entre un A3 et son successeur.
Un A3 est un cycle PDCA.
Une succession de A3, c’est l’amélioration continue !
Retour sur la case “Equipe”
Quelques mots sur cette case. La signature des différentes personnes intervient lorsque le plan d’action est constitué. En effet, ces personnes sont les acteurs du A3 et auront la responsabilité d’une ou plusieurs actions.
Les faire signer, c’est recueillir leur accord, s’assurer qu’ils ont bien compris et que le A3 est conforme à leur attente.
C’est aussi un acte d’engagement de leur part et cela apporte un caractère un peu “officiel”.
Une signature n’empêchera pas une personne de faire défaut. Mais sans signature, elle pourra toujours objecter qu’elle n’était pas au courant, qu’elle n’a pas été consultée, qu’elle en a vaguement entendu parler, mais qu’elle n’a pas suivi, etc., etc.
Signer un A3, c’est dire :
– Oui, je comprends le contenu A3
– Oui, je suis d’accord avec ce contenu
– Oui, j’accepte de prendre la responsabilité de telle ou telle action pour les dates choisies ensemble
Alors, il ne faut pas hésiter à mettre toutes les chances de son côté en faisant signer le A3.
Et vous, comment traitez-vous l’analyse des causes racines ?